Pierre Julien

Pierre Julien (1731-1804) sculpteur du roi, a contribué à la série des Grands Hommes de la France

Anonyme français, Pierre Julien sculptant le Gladiateur, vers 1770, huile sur toile, Le Puy-en-Velay, musée Crozatier, inv. D.1932.1

Né en 1731 à Saint-Paulien en Haute-Loire où son père est menuisier-charpentier, Pierre Julien commence son apprentissage auprès de Gabriel Samuel, sculpteur au Puy et élève de Mathieu Bonfils, lui-même élève de Pierre Vaneau. Vers 1750, Julien prend la direction de Lyon pour entrer dans l’atelier d’Antoine Perrache avant de rejoindre celui de Guillaume II Coustou à Paris. Ce dernier lui permet d’étudier à l’Académie royale où il se fait rapidement remarquer jusqu’à obtenir le premier prix de sculpture en 1765. Il se rend ensuite à l’Académie de France à Rome où il parfait sa formation durant trois années avant de revenir assister son vieux maître Coustou. À la mort de celui-ci, libéré de son emprise, Julien se lance dans une carrière autonome et en 1779, alors âgé de 48 ans, il est enfin admis à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Cette reconnaissance tardive ne l’empêche cependant pas d’obtenir de multiples commandes royales d’importance dont deux statues pour la série des « Grands Hommes de la France » et le décor de la laiterie de Rambouillet. En 1795, il est élu à l’Institut de France, signe de l’importance de sa carrière. Il décède en 1804, l’année où il présente son marbre de Nicolas Poussin au Salon.

En 1775, à l’initiative du comte d’Angiviller, directeur des bâtiments du roi, qui ambitionne de revitaliser la représentation de l’histoire nationale, est mis en marche un grand projet sculpté : les Grands hommes de la France. Celui-ci prévoie que chaque année deux statues en marbre représentant des illustres (artistes, religieux, militaires, etc.) devaient être réalisées afin d’orner la grande galerie du palais du Louvre. Si ce projet d’aménagement n’aboutit jamais, un certain nombre de statues furent tout de même sculptées jusqu’à la Révolution et à un rythme plus soutenue que deux par an. Ainsi, c’est près de vingt-sept œuvres qui virent le jour dont deux dues à la main de Pierre Julien : Jean de la Fontaine (1783) et Nicolas Poussin (1789). La série fut exposée dans la salle des Antiques du Louvre, puis au Collège des Quatre-nations avant de retrouver définitivement le Louvre dans une salle dédiée. Elle connut également une plus large diffusion par la création de reproductions en biscuit de porcelaine par la manufacture de Sèvres à partir de 1784.

Le plâtre de Jean de la Fontaine

Jean de la Fontaine © L. Olivier

Pierre Julien se voit confier en 1782 la réalisation de la statue de Jean de la Fontaine. Selon les directives de vraisemblance édictées par d’Angiviller, l’artiste dut soigneusement se documenter sur son modèle et le placer dans une position propre à son histoire, « un moment choisi ». L’artiste représente ainsi le poète en pleine méditation alors qu’à ses pieds se faufile un renard, la patte sur un ouvrage au titre explicite : Œuvres de La Fontaine. Si le marbre final est conservé au musée du Louvre, le plâtre préalable, présenté au Salon de 1783, est au musée Crozatier. L’œuvre connut un grand succès au point d’être qualifiée de « chef-d’œuvre » par le journal Le Mercure de France.

"La Fontaine travailloit par tout où il se trouvoit. Un jour la duchesse de Bouillon allant à Versailles, le vit le matin rêvant sous un arbre du cours, et l'y retrouva le soir même au même endroit et dans la même attitude. L'artiste a cru devoir saisir ce moment." Livret du Salon de 1783.

Acquis en 1783 par Louis XVI, le château de Rambouillet connu de nombreux travaux de réaménagement afin de le mettre au goût du jour. C’est ainsi, que pour plaire à la reine Marie-Antoinette, une laiterie « d’agrément » est mise en chantier. Sa conception générale est confiée au peintre Hubert Robert et à l’architecte Jean-Jacques Thévenin tandis que les sculptures sont commandées à Pierre Julien. Celui-ci réalise pour le décor six médaillons, deux longs bas-reliefs et un groupe figurant Amalthée et la chèvre de Jupiter. Toutes ces sculptures, de style néo-classique, possèdent une iconographie en rapport avec le lieu qu’elles ornent. Ainsi Julien représente La Traite de la vache, Le barattage du lait ou encore Une mère allaitant son enfant. Transportées à Malmaison durant la période napoléonienne, vendues par l’héritier de Joséphine de Beauharnais, les sculptures sont acquises par dation par l’État français en 2003. Replacées depuis en la laiterie, celles-ci sont présentées au public pour la première fois au musée Crozatier lors de l’exposition célébrant le bicentenaire de la mort de Julien, en 2004.

Laiterie de la reine, Rambouillet, sculptures de Pierre Julien ©Jean-Christophe Benoist

Amalthée et la chèvre de Jupiter

Jeune fille à la chèvre © Luc Olivier

Aussi bien sur un bas-relief que sur le groupe destinée à orner la grotte clôturant la laiterie, Pierre Julien représente le mythe d’Almathée et de la chèvre de Jupiter. Issue de la mythologie gréco-romaine, cette histoire relate la façon dont le dieu, sauvé de la folie de son père par sa mère, avait été recueilli par des Crétois et nourrit par une chèvre dont Amalthée était la gardienne. Exécutée vers 1787, la ronde-bosse dont le musée Crozatier conserve un moulage a immédiatement été considérée comme le chef-d’œuvre de Julien. Amalthée, dont le corps lisse contraste avec la rugosité du pelage de l’animal, y est représentée comme une baigneuse, le corps pudiquement couvert par un drapé qui révèle les formes autant qu’il les cache.

"M. Julien, nourri de l'antique, grand dans sa composition, nous a offert une baigneuse en marbre, accompagnée d'une chèvre. Cet ouvrage a réuni l'estime de tous les spectateurs". Affiches, annonces et avis divers ou journal général de la France, 1791.

Le moulage et ses accroches : le moulage d’Amalthée est maintenu en place par des crochets métalliques (visibles) qui ont pour but de solidariser les différentes pièces.

Lors de son séjour à Rome, Pierre Julien copie de nombreux antiques à la demande de Hocquart, président du Parlement de Paris et éminent collectionneur. Le musée Crozatier conserve ainsi Le Gladiateur mourant issu de cette commande. De retour à Paris, l’artiste poursuit cette pratique sans doute très lucrative, et copie – à partir de copies, moulages ou des originaux des collections royales – pour d’autres commanditaires. L’Ariane endormie du musée Crozatier date sans doute de cette période. Le style de Julien est profondément marqué par ces confrontations régulières comme le démontre sa recherche de beauté idéale, libérée de toute émotion, et sa réutilisation des modèles antiques. Ainsi la coiffure de son Amalthée n’est pas sans évoquer celle de la Vénus du Capitole. Néanmoins, si l’antique est souvent le point de départ de ses œuvres, sa recherche du moment anecdotique et la volupté de ses figures, le rattachent encore au goût de son temps.

Vénus capitoline, 2e siècle avant J.-C., marbre, Rome, musées du Capitole. © José Luiz Bernardes Ribeiro

 

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