Œuvre iconique du roman national français, cette peinture a servi d’illustration dans de nombreux manuels scolaires
Deux hommes se font face. L’un à cheval, l’autre sur un trône, l’un jeune et fier, l’autre ambitieux et dans la force de l’âge, l’un gaulois, l’autre romain, l’un vaincu, l’autre vainqueur. Deux hommes qui se sont affrontés et qui viennent de sceller leur destin. Deux hommes entrés dans l’histoire au lendemain de la bataille d’Alésia. Cet épisode fondateur du roman national français a trouvé dans le tableau de Lionel Royer, Vercingétorix devant César, son expression iconographique la plus forte, au point d’en faire une icône des manuels scolaires.
Lionel Royer, marqué par la défaite des Français contre les Prussiens à Sedan en 1870, veut transcender la reddition de Vercingétorix à d’Alésia. Dans ce tableau, le peintre exalte la noblesse des vaincus et le sacrifice du héros gaulois, présenté comme l’âme du peuple français.
Les sources rapportant la reddition de Vercingétorix sont très peu nombreuses.
Un seul texte contemporain des faits décrit l’événement : La Guerre des Gaules, récit rédigé par Jules César lui-même. Mais le vainqueur de Vercingétorix n’enjolive-t-il pas un peu la réalité ?
Bien après les faits, d’autres historiens antiques ont rapporté la scène. Dion Cassius écrit au 3e siècle : « Vercingétorix aurait pu s’échapper, mais espérant obtenir le pardon [de César], il alla le trouver : il apparut brusquement devant César qui siégeait sur une tribune, jetant le trouble chez certains. En effet, il était très haut de taille et avait l’air terrible sous les armes ». Lionel Royer semble avoir mis en peinture cet extrait de l’Histoire romaine.
Mais notre peintre s’inspire surtout d’une illustration parue dans l’Histoire de la France populaire depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Il reprend les motifs de la composition : Alésia en haut à gauche, la noblesse et l’attitude de défi de Vercingétorix dominant César, la présence des enseignes et les caractéristiques des personnages : casques, moustaches et longs cheveux. Pourtant, les Gaulois n’étaient pas plus moustachus que nous !
Quel rapport entre la guerre des Gaules et la guerre franco-allemande de 1870 ? Ce tableau !
En effet, il a été peint en 1899, moins de 30 ans après la guerre de 1870. La France a été battue par les États allemands qui en profitent pour s’unir autour du chancelier Otto von Bismarck. L’empereur Napoléon III est capturé lors de la bataille de Sedan (1er septembre 1870), Paris est assiégée. L’empereur est déchu, la Troisième République est proclamée tandis que l’Alsace et une partie de la Lorraine deviennent allemandes.
Le peintre Lionel Royer dresse ici un parallèle entre la défaite de Sedan et celle d’Alésia. Avant de devenir peintre, le jeune Royer s’était engagé comme volontaire pendant la guerre de 1870. Il a été profondément marqué par le conflit. Dans ce tableau, il a voulu montrer la fière noblesse des vaincus et le sacrifice du héros Vercingétorix, âme du peuple français. Même vaincus, les Français se veulent irréductibles !
Dans la composition de ce tableau, une figure se détache : Vercingétorix. La couleur souligne aussi cet isolement : la robe blanche du cheval se démarque des tonalités sombres employées pour les autres groupes de personnages. Les regards convergent tous vers le chef gaulois. La tunique rouge de César le désigne comme l’adversaire de Vercingétorix. La composition du tableau souligne ainsi l’inégalité des forces en présence.
Les seuls mouvements sont ceux du cheval en train de s’arrêter et ceux de Vercingétorix jetant ses armes aux pieds du vainqueur. L’expression fermée des visages montre la gravité du moment. Les vaincus occupent le devant de la scène, les vainqueurs sont relégués au second plan. Par sa composition, Lionel Royer magnifie les vaincus. Vercingétorix domine César. La représentation tronquée des armes au premier plan convie le spectateur dans l’espace du tableau. L’intensité dramatique est destinée à émouvoir le spectateur et c’est sans doute la raison du succès de ce tableau.