La Vierge au manteau

Peinture sur toile la plus ancienne de l’art français, cette œuvre frappe par sa qualité et sa conservation

Probablement peint à Paris, ce tableau a été commandé par les religieux de l’ordre des Carmes établis au Puy depuis le 13e siècle. L’œuvre représente la chrétienté placée symboliquement sous la protection de la Vierge. Elle est entourée de ses demi-sœurs légendaires et de leurs enfants respectifs. Elle est réalisée à la détrempe, mélange de pigments et de colle. Œuvre très érudite associant plusieurs iconographies de la Vierge, elle se trouve dans son état d’origine, sans aucun repeint. Cela en fait une œuvre majeure de l’histoire de la peinture française, la plus ancienne des peintures sur toile conservées dans un musée.

La Vierge au manteau © L. Olivier

Cette œuvre, dont la destination comme décor d’autel reste une hypothèse, illustre la ferveur générale pour la Vierge Marie à la fin du Moyen Âge. Marie, telle qu’elle est montrée ici, réunit en une seule représentation plusieurs images traditionnelles : la reine du ciel couronnée ; la jeune fille de l’Annonciation, les cheveux libres sur les épaules ; la mère de Dieu tenant l’Enfant dans les bras ; la Vierge de tendresse qui s’incline tendrement vers son Fils. Enfin, déployant son manteau, elle est la protectrice de l’humanité. Elle est aidée en cela par de ses deux demi-sœurs, filles de sainte Anne.

À gauche, se trouve Marie Salomé, mère de Jacques le majeur (1) et de l’apôtre Jean (2) ; à droite, Marie Jacobé, mère de Jacques le mineur (3), de Joseph le Juste (4), de Jude (5) et de Simon (6).

Le culte des Trois Maries se développe à la fin du Moyen Âge. Plusieurs guérisons miraculeuses contribuent à son succès au sein de la cour royale française au milieu du 14e siècle.

C’est au Moyen Âge que la Vierge Marie est investie du statut de médiatrice entre Dieu et les hommes. Les fidèles l’invoquent comme avocate de l’Humanité dont le manteau les protège contre tous les périls. La figure de la Vierge au manteau symbolise cette protection divine, thème qui se diffuse dans toute l’Europe du 14e siècle. Suivant les représentations, le groupe des fidèles diffère. Ce peut être les membres d’une confrérie, d’un couvent. Ici, c’est l’ensemble de l’humanité réparti en deux groupes.

Le groupe des religieux, à gauche, sous le regard de l’Enfant qui les bénit.

1. le Pape, 2. un cardinal, 3. un évêque, 4. un carme, Nicolas Coq ?, 5. un ermite, 6. un chanoine de la cathédrale du Puy reconnaissable à son aumusse.

Le groupe des laïcs, à droite, sous le regard de Marie.

7. l’Empereur, 8. un roi, 9. des membres de la cour, 10. un grand seigneur : le vicomte de Polignac ? 11. un pèlerin

L’œuvre n’est pas signée, comme d’usage à l’époque médiévale. Cependant son style fait penser à un artiste parisien, de formation flamande ou à celui d’un peintre de miniature, le « Maître du Couronnement de la Vierge ». Tous deux appartiennent au mouvement appelé le « gothique international » qui s’est répandu dans l’ensemble de l’Europe médiévale entre 1370 et 1430. Ce mouvement se traduit par un art aux lignes fluides, aux couleurs éclatantes et à une représentation des personnages avec un fort déhanché.

Le concepteur

Cette œuvre complexe a dû être conçue par une personnalité de premier plan. Le prieur du couvent des Carmes, alors en fonction, était Nicolas Coq, licencié en théologie de l’université de Paris, dont les contemporains ont loué l’érudition. Sur le tableau, il est possible de l’identifier au carme situé derrière l’évêque.

Le mécène

Pour financer la réalisation de cette œuvre ambitieuse, le prieur des Carmes a dû bénéficier d’un financement exceptionnel. Parmi les notables locaux, seul le vicomte de Polignac a suffisamment de pouvoir pour endosser ce rôle. Représenté symétriquement au carme, figure un grand seigneur dont les franges de l’habit alternent le rouge et le blanc, rappel discret des armes des Polignac.

  • Pour aller plus loin : Hélène Millet, Claudia Rabel, Bruno Mottin, préface de Michel Pastoureau, La Vierge au manteau du Puy-en-Velay : Un chef-d’œuvre du gothique international (vers 1400-1410), Fage, 2011, 188 p.

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